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Incandescences marjolaine bourdua
Photo: Jetro Emilcar

Entretien avec Marjolaine Bourdua

  • Article
  • Fondation PHI
Par  Daniel Fiset
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Photo: Jetro Emilcar

Dans le cadre de son projet d’engagement public Incandescences, la Fondation PHI a invité quatre artistes à imaginer différentes interventions pour réactualiser ses archives. Pensé en lien avec l’exposition Lee Bae: UNION, Incandescences s’inspire de l’utilisation que Bae fait du charbon: une substance qui est la trace d’une combustion tout en permettant à d’autres feux de s’allumer. Chaque artiste participant·e conjugue d’ailleurs sa pratique artistique à des tâches liées à l’enseignement, à la recherche, à la médiation ou à l’administration. Ce double rôle, autant causé par un désir profond des artistes de participer activement à la constitution d’un milieu que par la nécessité d’accumuler les tâches devant la précarité de ce même milieu, évoque lui aussi le charbon – une matière dont les usages sont tout aussi pratiques que symboliques.

La deuxième invitée d’Incandescences, Marjolaine Bourdua, est bien familière avec l’accumulation des rôles dans le milieu de l’art, ayant œuvré au sein de nombreuses institutions au Québec, notamment en tant que médiatrice culturelle, tout en maintenant une pratique en arts visuels. Dès le début de la résidence, Marjolaine s’est intéressée au tri, un geste au cœur de la constitution de notre archive éducative où se mêlent documents, traces de projets passés et matériaux divers. Comment distinguer ce qui est à conserver de ce dont on doit se débarrasser? Ces choses ont-elles une vie au-delà de leur utilisation première? Marjolaine a conçu Se joignent les mises à distance, une grande installation éphémère placée au cœur de notre salle éducative qui fait se rencontrer les objets de son atelier et les objets de nos archives. La documentation photographique de cette installation peut être vue dans une vidéo narrée par l’artiste. Je me suis entretenu avec Marjolaine pour discuter de Se joignent les mises à distance – à la fois une méditation sur le fragile équilibre entre création et labeur artistique, et un vibrant hommage au travail de la médiation.

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Photo: Jetro Emilcar

Daniel Fiset: Quels mots utiliserais-tu pour décrire le résultat de ta recherche dans le cadre d’Incandescences?

Marjolaine Bourdua: J’hésite entre deux termes. Au départ, j’avais cette idée d’essai visuel – au sens de tester des choses, de travailler autant dans le monde des idées que dans le monde matériel. Au final, j’utilise le terme «installation éphémère». Comme le projet n’a pas été conçu pour être accessible au public, il a un caractère transitoire, et comme il se déploie dans la salle éducative, un espace aux usages particuliers, il me semblait intéressant de le considérer comme «s’installant» dans le lieu. Le terme éphémère rappelle aussi la nature du travail d’éducation, de médiation, de la collaboration avec les communautés: un travail au caractère intangible et souvent peu documenté. Le statut effacé ou évanescent de l’installation fait écho à ces pratiques éducatives. Avec le recul, j’ai fini par voir l’installation comme un autoportrait constitué de mes différents chapeaux et habités par des objets rapportés de mon atelier.

DF: On peut le voir aussi comme le portrait d’un métier – et les points de contact entre les différentes pratiques qui se croisent dans ce même métier: la création artistique, la médiation, le travail administratif. 

MB: L’invitation que m’offrait la Fondation appelait à cette réflexion! Dans le passé, j’ai eu tendance à séparer ces différentes pratiques, même si elles se nourrissent les unes des autres. Mais le contexte actuel est tout autre, étant donné les crises que nous traversons et ma perte d’emploi récente. Le moment nous fait poser d’importantes questions: comment devons-nous repenser le travail artistique? Comment peut-on soutenir une pratique artistique à l’échelle d’un individu? Le temps consacré, le budget, la conciliation travail-famille, la survie: c’est le nerf de la guerre, et c’est aussi ce qui stratifie le travail artistique. L’installation, en regroupant ces divers champs d’action, présente les points de connexion qui étaient dans l’angle mort, mais qui sont devenus évidents au fil de mon exploration.

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Photo: Jetro Emilcar

DF: Peux-tu étayer certaines des pistes de réflexion qui ont été explorées dans l’installation?

MB: J’ai voulu, d’abord, réfléchir à la porosité entre toutes ces pratiques – réflexion qui permet un regard en plongée sur ma vie, et qui est aussi intimement liée à mon rôle de parent. L’expérience de la maternité a été particulièrement éprouvante dans ma vie d’artiste: j’ai vécu la difficulté de revenir à ma pratique après une pause plus longue que prévue. Une grande partie de ma pratique artistique encore aujourd’hui consiste à préserver, créer, nourrir un espace où des choses peuvent se passer. La majorité de mes ressources sont consacrées à prendre soin de cet espace comme une sorte de permaculture.

J’ai longtemps imaginé des clôtures érigées entre différents secteurs de ma vie. Au fil du temps, ces frontières deviennent de plus en plus poreuses: je peux amener mon enfant à l’atelier, par exemple. Je vois des vases communicants se dessiner entre les différentes sphères que j’occupe. Tu me faisais d’ailleurs remarquer qu’il y a beaucoup de réceptacles dans l’installation. C’est un intérêt qui est présent dans mon travail en général, lorsque j’utilise des bouteilles trouvées, ou des paniers tressés: les contenants permettent de recevoir. Certains sont aussi ouverts, poreux, ils respirent comme des terreaux à partir desquels on peut réorganiser les choses différemment. 

Dans cette vidéo narrée par Marjolaine Bourdua, vous trouverez la documentation photographique de son installation éphémère intitulée Se joignent les mises à distance.

Biographie

Marjolaine Bourdua est une artiste et travailleuse culturelle basée à Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal. Dans une approche sculpturale, elle interroge les tensions inhérentes à la culture de masse en examinant l’histoire matérielle des choses. Ses projets récents abordent les thèmes de la transmission et des procédés manuels en contexte d’accélération et de révolution numérique. L’artiste détient un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’UQAM ainsi qu’un diplôme d’études supérieures de la Villa Arson en France. Elle est membre du Centre CLARK et a contribué à de nombreux projets en médiation de l’art actuel tant en milieu muséal que communautaire. Sa pratique pédagogique est pensée comme un prolongement de sa démarche artistique.

Pour en savoir plus sur les projets des autres artistes invité·e·s, veuillez visiter la page Web à propos du projet d’engagement public Incandescences.

Auteur: Daniel Fiset

Daniel Fiset est un travailleur culturel basé à Tiohtiá:ke/Mooniyang/Montréal. Détenteur d'un doctorat en histoire de l'art de l'Université de Montréal, il a collaboré avec de nombreuses institutions québécoises et canadiennes en arts visuels, dont OPTICA, esse arts + opinions et le Musée d'art contemporain des Laurentides. Il occupe actuellement le poste de commissaire adjoint à l'engagement à la Fondation PHI pour l'art contemporain, et a été le commissaire de l’exposition de la résidence PHI MONTRÉAL 2021.

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