Centre

Trickster (2019) de David Altmejd est le portrait en buste d’un étrange dandy, une sorte d’« humanimal » au teint mauve, avec des yeux d’humain, un museau de chien et des moustaches grises. Sa chemise à col et sa veste sont dignes d’un gentleman, sans être guindées. Ce n’est pas un aristocrate. Un bourlingueur, peut-être, sur un bateau du Mississippi dans une chanson de John Hartford.

En effet, bien que le personnage semble caricatural au premier abord, lorsqu’on porte attention, on constate rapidement qu’il nous surveille en coin de ses yeux étonnamment réalistes de filou ; une connexion inattendue donnant lieu à un défilé d’émotions : la suspicion, le mépris, le stress, la douleur peut-être. Ces yeux chargés d’affect, situés de part et d’autre d’un nez renversé à la place du front, constituent les points d’ancrage de ce personnage amalgamé à la personnalité agrégée et désordonnée, un thème récurrent dans l’œuvre d’Altmejd.

Les émotions susmentionnées sont moins des états stables que des fragments – des manières possibles de se sentir, d’être –, tout comme le personnage du filou. À noter également les émotions que l’on ne lit pas dans son regard : la confiance, le réconfort, la chaleur. Créer une personnalité à partir de fragments n’est certes pas une mince affaire. Outre le nez-front et le museau de chien, le cou du filou est aussi le produit d’une hybridation brutale, sa peau mauve et bleu layette étant tendue comme celle d’une autruche et percée de cristaux épineux.

Dans ce qui pourrait être considéré comme une illustration comique de la théorie de l’aliénation de Marx, l’attribut principal du filou – son chapeau haut de forme – est constitué d’une souche d’arbre avec un trou béant, probablement occupé par un petit locataire. Le filou est ainsi bien éloigné de lui-même, comme le suggère son attribut principal qui, sous toute vraisemblance, est le foyer de quelqu’un d’autre.