Composition, toute nouvelle création de Vincent Morisset, fondateur du studio AATOAA, est une partition qui s’est écrite sur la page blanche d’une résidence exploratoire avec le Studio PHI. Un processus organique qui a pu se déployer pleinement pendant plus d’un an entre nos murs.
Vincent Morisset signe depuis une vingtaine d’années des projets interactifs. Sa plus récente création a été pensée et développée au fil d’une résidence exploratoire (de 2019 à 2021) aux côtés de Caroline Robert, Édouard Lanctôt-Benoit ainsi que Louis-Nicolas Imbeau, alias Vlooper. «La beauté de ce type de résidence, c’est qu’on peut commencer en n’ayant pas toutes les réponses et cheminer dans un esprit itératif, expérimental et créer du sens en gardant les propositions ouvertes.»
La proposition finale, Composition, est une œuvre synthèse dans laquelle semblent être distillés plusieurs des projets marquants qui jalonnent le parcours de Vincent Morisset: le travail sur la lumière de Just a Reflektor et INNI, qu’il a réalisés respectivement pour Arcade Fire et Sigur Rós; les chorégraphies de l’installation Vast Body avec Louise Lecavalier; les illustrations en mouvement de BLA BLA; et le monde miniature d’Habitat, présenté l’an dernier au Quartier des spectacles.
Une rencontre entre le monde réel et imaginé
«Composition devient ce qu’on imagine. À travers la loupe du son, elle évoque un instrument de musique, un logiciel de beatmaking, une partition musicale. À travers la loupe scénographique, on peut y voir un théâtre d’objets, une maquette ou un castelet. C’est également un film d’animation et une œuvre sculpturale et chorégraphique — les mains qui manipulent les cubes dansant une sorte de ballet avec l'œuvre qui prend vie.»
Vincent Morisset est porté par l’idée de bâtir des ponts entre le virtuel et le réel. Cette résidence chez PHI était pour le créateur une occasion de pousser cette prémisse encore plus loin dans la physicalité et dans la sensorialité avec la manipulation de l’objet. Après des mois de recherche et d’expérimentation, l’objet prendra finalement la forme de cubes en bois. Ces cubes sont l’essence de l'œuvre, ce sont à travers eux que le public entre en contact avec celle-ci, c’est en les manipulant qu’il y plonge. «Se retrouver autour d’une table pour créer, détruire et reconstruire avec les cubes en bois évoque une sorte de rituel. Ça nous ramène à l’enfance. Il y a quelque chose de très satisfaisant et de magique dans cette interaction tangible. La façon dont on agence les cubes sur la table transforme les tableaux visuels qu’on y voit et la structure musicale. Les cubes sont des personnages, des paysages… ils sont ce qu’on veut qu’ils soient.»
Un vocabulaire élaboré à quatre têtes
«La genèse des cubes a quelque chose d’accidentel. Au tout début de la résidence, Caroline, Édouard et moi avons expérimenté avec la manipulation de petits objets sur la table. J’ai apporté de la maison différentes choses, dont une collection de cubes en bois. Lorsque des amis venaient chez moi avec leurs enfants, je leur en confiais un et leur demandais de dessiner un visage sur les six faces. Au fil des années, j’ai accumulé une collection de cubes biscornue.»
Fondateur de AATOAA, Vincent Morisset a créé Composition avec ses collaborateurs de longue date Caroline Robert et Édouard Lanctôt-Benoit. Le trio du studio montréalais a été rejoint par Louis-Nicolas Imbeau, alias Vlooper de Alaclair Ensemble, pour développer le nouveau vocabulaire qui traverse l’œuvre. «Rapidement, nous avons invité Vlooper à se joindre à nous pour expérimenter avec le son, et cela a forgé ce qui allait devenir Composition. Pour moi, c’est important que cette collaboration horizontale se fasse dès les premiers jours, afin que chacun nourrisse la pratique de l’autre.»
Caroline Robert a façonné toute l’esthétique de l'œuvre à travers une pluralité de techniques, combinant numérique et artisanal. Les dessins sortis de l’imaginaire des enfants l’ont inspirée pour concevoir les visages qui se trouvent gravés sur les cubes. Les jeux d’ombre et de lumière donnant des effets de relief et de trompe-l'œil aux tableaux qui s’animent sur la table ont aussi été dessinés à la main. Elle a également, en peignant avec des encres sur papier, créé cet univers qui évoque un monde cellulaire et de galaxies.
Édouard Lanctôt-Benoit a conçu un programme complexe permettant de faire le pont entre la manipulation des cubes et la création dynamique de visuels et de musique. Il est intéressant de noter que Composition fonctionne dans un fureteur Web combiné à un système de vision par ordinateur et une plateforme d’instruments virtuels. Ces systèmes devaient tenir compte de nombreux paramètres et rencontraient plusieurs défis (la précision de la détection, la complexité des interactions entre plusieurs participants simultanément, une multitude de mécaniques interactives). De plus, il était important que cette technologie s’efface pour laisser place à «une expérience énigmatique et à un jeu de prestidigitation».
Louis-Nicolas Imbeau signe la trame sonore d’une vingtaine de minutes, à la fois multiple et cohérente. «Je souhaitais travailler avec Louis-Nicolas notamment parce que j’avais envie d’approcher ce projet avec quelqu’un ayant une connaissance pointue du rythme et des sonorités. C’est un beatmaker, il a une compréhension de la structure, de la construction d’un univers sonore. Il devait penser la cause à effet des actions sur la musique. C’était sa première incursion dans cet univers de création musicale interactive et c’était un laboratoire très riche, pour lui et pour nous, car nous avons fouillé une palette très vaste, passant par la culture hip-hop, la musique expérimentale et la trame sonore cinématographique. Nous voulions imaginer une expérience où on pouvait transformer la musique d’une façon touchante.»
Dans ce ballet entre technologie et travail de recherche visuel et sonore, mentionnons l’apport de Greg Sadetsky, dont les explorations du côté de la robotique et de l’objet intelligent ont nourri les différentes itérations du projet ayant mené à sa forme actuelle.
Derrière l’œuvre Composition, il y a également toute l’expertise du Studio PHI: «Nous nous savons très chanceux, cette résidence était une invitation à explorer des possibles. C'était une collaboration idéale: nous étions tout près du Centre PHI et avions, à la fois, notre intimité de créateurs et accès à toute l’équipe du Studio PHI, dont Isabelle Brodeur, directrice de production et Marc-André Nadeau, directeur des technologies, qui traversaient la rue pour venir nous épauler, pour réfléchir aux défis technologiques et penser la scénographie. C’est devenu un superbe échange. Il y avait cet équilibre entre présence et recul — pour laisser libre cours à notre recherche.»
Plonger dans Composition au Centre PHI, et ailleurs
Lorsqu’on a travaillé sur une œuvre pendant longtemps et qu’on l’a réimaginée des centaines de fois jusque dans ses moindres détails, qu’espère-t-on lorsqu’on l’offre finalement au public? «La beauté d’un projet comme Composition, c’est que l’œuvre est un écosystème qui prend forme lorsqu’elle est en relation avec le public. Elle se révèle selon les différentes personnalités. C’est très précieux d’assister à cette rencontre.»
Le public a pu découvrir Composition au Centre PHI du 31 mars au 5 septembre 2021, dans le cadre de l’exposition Trois mouvements, aux côtés des œuvres Breathe, de l’artiste brésilien Diego Galafassi — elle aussi élaborée lors d’une résidence soutenue par PHI — et Asteria, avec la participation d’Alexandra Stréliski, Dominique Fils-Aimé, Vincent Vallières, Daniel Bélanger et FouKi.
Fidèle à sa mission de créer et de multiplier la rencontre entre les artistes et les publics, PHI a conçu pour Composition une structure autoportante: dans le langage universel du rituel et de la musique, l'œuvre pourra donc par la suite aller émerveiller d’autres publics, hors Montréal.
Crédits
Composition
Créée par Vincent Morisset, Caroline Robert et Édouard Lanctôt-Benoit du studio AATOAA en collaboration avec Vlooper dans le cadre d’une résidence avec le Studio PHI
Durée: 6 minutes
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