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FONDATION 01 Art Farm Wim Delvoye Header2
Vue d’exposition, Wim Delvoye, 2016-2017, DHC/ART. Wim Delvoye, 13 (2005); Pablo (2005); All-American Girl (2005-2006). Avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Perrotin. © DHC/ART Fondation pour l’art contemporain, Photo: Richard-Max Tremblay. © Wim Delvoye/SODRAC (2016).

Porcs tatoués et bêtes de foire: l’animal dans l’art de Wim Delvoye

  • Article
  • Fondation PHI
Par  Marie-Hélène Lemaire

Au cours des années 2000, l’artiste Wim Delvoye est devenu éleveur de porcs afin de créer un projet artistique intitulé Art Farm. Pour ce faire, il a acheté une ferme dans un village aux abords de Beijing.

L’objectif de cet élevage consistait à produire des œuvres d’art «mi-animales, mi-objets, mi-humaines»: c’est à dire, tatouer la peau de porcs vivants de motifs de tatouages habituellement destinés aux humains pour en faire des œuvres à collectionner. Accompagné d’artistes-tatoueurs chinois, Delvoye travaillait sur plusieurs œuvres en parallèle lors de séances où les bêtes étaient placées sous anesthésie. Des collectionneurs achetaient les porcs et pouvaient voir leur investissement «croître» grâce à des caméras installées dans la ferme. Lors du décès de l’animal, celui-ci était dépecé, puis sa peau de dos tannée et encadrée était remise à son propriétaire. Trois de ces peaux sont exposées à DHC/ART jusqu’au 19 mars dans le cadre de l’exposition Wim Delvoye: 13 (2006), Pablo (2005) et All American Girl (2005-2006).

Art Farm soulève plusieurs préoccupations éthiques liées, entre autres, à l’instrumentalisation et à l’absence de consentement de l’animal, à son bien-être et à sa possible souffrance, à notre responsabilité collective envers lui et à son traitement dans l’industrie porcine. Ce faisant, Art Farm transgresse les frontières conventionnelles que nous érigeons entre l’animal et nous-mêmes. C’est cet aspect du projet qui fera l’objet de notre réflexion.

FONDATION 02 Art Farm Wim Delvoye
Wim Delvoye, Pablo, 2005, Peau de cochon tatoué, 167 x 139 cm (cadre). Avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Perrotin, Paris. © Wim Delvoye/SODRAC (2016).

Pablo le porc tatoué: arborer la raie sacrée sacrée

Observons d’abord Pablo (2005), «œuvre-peau» prélevée du cochon du même nom. Dans la partie supérieure du dessin, Delvoye a repris un motif de raie typique d’une tradition de tatouage appartenant aux premiers peuples du triangle polynésien, vieille de plus de 3000 ans. Même si chacune des îles de cette région possède sa particularité, les symboles et le graphisme des tatouages présentent de multiples ressemblances. Par exemple, le Tiki, figure de l’ancêtre déifié, est très répandu: les parties de son corps se retrouvent fragmentées, stylisées et recomposées à travers une multitude d’autres motifs, dont celui de la raie, qui incarne la force des éléments marins [1]. De plus, historiquement, le tatoueur des îles Marquises exerçait son art à l’aide d’une gestuelle sacrée, «il était un expert rituel qui devait maîtriser la technique et agir de concert avec les divinités [2]». La pratique du tatouage chez ces communautés s’inscrit donc dans une expression de respect et de dévotion pour le monde animal et le monde naturel.

Par l’appropriation de ce motif de raie, qu’il tatoue de surcroît sur la peau d’un animal, Delvoye, artiste belge et européen, pointe vers une certaine histoire coloniale. Un peu partout dans le «Nouveau Monde», les colonisateurs et les missionnaires européens chrétiens entrent en contact avec différentes pratiques sacrées de tatouage chez les peuples autochtones. Plusieurs y voient une pratique «barbare» et «sauvage», au service d’une religion où l’être humain se conçoit comme physiquement et spirituellement lié à la nature et à l’animal. Ces pratiques et croyances, qui s’expriment par la peau, vont alors à l’encontre des croyances chrétiennes et sont combattues et réprimées. De plus, les premiers peuples tatoués attisent un sentiment ambivalent chez les Européens, un mélange de répulsion, de crainte et de fascination. En effet, dès les premières expéditions, les explorateurs occidentaux ramènent des «spécimens tatoués» pour les exposer en Europe, tels des animaux de foires.

FONDATION 03 Art Farm Wim Delvoye
Wim Delvoye, Tim, 2006-2008. Peau tatouée, grandeur nature. Wim Delvoye au Louvre, 2012, Paris. © Wim Delvoye/SODRAC (2016).

Tim l'homme tatoué: arborer la carpe koï

Il y a des relents de cette histoire dans l’œuvre d’art Tim (2006-2008). En 2006, Delvoye tatoue le dos de Tim Steiner, un Suisse ayant accepté de devenir une «œuvre» de l’artiste. Le contrat que Steiner a signé stipule que le tatouage sur son dos pourra être acquis par un collectionneur, ce qui se concrétise en 2008. Steiner accepte également d’être exposé plusieurs fois par an dans différentes expositions de Delvoye. Aussi, à son décès, la peau de son dos subira le même sort que celles des porcs de Art Farm: elle sera dépecée, tannée et encadrée. Ici, l’animal et l’humain s’entrelacent à nouveau. Car, bien sûr, on peut associer ce projet à Art Farm pour le traitement similaire des «peaux œuvres d’art», mais la mise en exposition de Tim/Tim dans plusieurs expositions à travers le monde rappelle aussi l’époque où les «tatoués indigènes» étaient exhibés en Europe ainsi que celle, plus récente, où les foires et les cirques ambulants exposaient des hommes et des femmes tatoués comme sideshow. Tel que Steiner en témoigne, lors de sa première expérience d’exposition de longue durée: «Le soir, chez moi, je m’effondrais. Je me disais « tu es un singe! » Mais j’ai réalisé que j’étais très bon pour rester assis sur un socle.»

Ces paroles traduisent bien le sentiment ambivalent d’un homme qui, à la fois, sympathise avec le sort pénible de l’animal captif et exposé dans un sideshow et se sent fier de pouvoir accomplir à répétition un exploit d’endurance. D’ailleurs, Delvoye a tatoué deux carpes koïs sur le bas du dos de Steiner, révélant ainsi un ancien symbole appartenant aux mythologies japonaise et chinoise. Ce motif est très en vogue dans les pratiques contemporaines de tatouages et celui qui l’arbore indique ainsi qu’il a survécu à de rudes épreuves; la carpe koï symbolisant la force des survivants. Et nous voilà songeurs alors que nous voyons chez Tim (2006-2008) la vivacité de la carpe koï sur la peau d’un homme-objet, et chez Pablo (2005) la force libre de la raie sacrée sur une peau inerte, si semblable à la nôtre.

[1] PIERRAT, Jérôme et ALFRED (2016). Le tatouage. Histoire d’une pratique ancestrale. Bruxelles: Le Lombard, p. 20-21.

[2] LAMY, Florence (2015). «La Polynésie: le tatouage marquisien ou patu tiki». Tatoueurs, tatoués. Catalogue d’exposition (Paris, Musée du quai Branly, 06/05/2014-18/10/2015). Paris: Musée du quai Branly/Actes Sud, p. 170.

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