Foundation
Marc Quinn
October 5 → January 6, 2008
Gathering over forty recent works, DHC/ART’s inaugural exhibition by conceptual artist Marc Quinn is the largest ever mounted in North America and the artist’s first solo show in Canada
This article is available in French only.
Présentée pour la première fois en Amérique du Nord, l’exposition-expérience Mirages & miracles, créée par la compagnie française Adrien M & Claire B, invite le public dans un univers où la technologie rencontre l’animisme, où l’inerte prend vie. Dans cet entretien, Claire Bardainne nous raconte les préludes et visées de cette production onirique.
Adrien Mondot et Claire Bardainne ont croisé leurs chemins il y a dix ans, presque jour pour jour. Leur compatibilité artistique s’est tout de suite confirmée. «On avait un territoire esthétique et poétique commun [...] qui permettait que la discussion se fasse immédiatement», affirme Claire Bardainne. Informaticien et jongleur, Adrien complète artistiquement Claire, qui est plasticienne avec une formation issue du graphisme et de la scénographie. Cette complémentarité leur a donné les capacités de réaliser une palette hétéroclite de projets. Pensons à La neige n’a pas de sens, un livre monographique de réalité augmentée, ou à Le mouvement de l’air, un spectacle frontal pour trois danseurs.
Claire Bardainne voit dans la création à deux une rencontre privilégiée, une expérience folle dans un espace généralement intime. Celle qui se retrouve davantage dans la pensée, dans la manipulation des concepts et de l’imaginaire, alimente le travail d’Adrien qui, par ses capacités d’informaticien, invente et conçoit les architectures logicielles. Et vice-versa. «Ce qui est intéressant, c’est que souvent on ne sait plus d’où vient l’idée, comment le puzzle d’une création s’est manifesté.»
C’est ainsi que les travaux d’Adrien M et Claire B se développent, de façon «horizontale». Il n’y a pas une idée qui surgit d’abord, puis sa technique. Ces éléments arrivent en même temps. Tranquillement, «on a des choses qui appartiennent autant à l’univers de l’idée, que de la technique, que de la matière, que de la rencontre, que de l’inspiration, qui s'agrègent et qui forment cet environnement.» Selon Claire Bardainne, cette création à l’unisson est une forme d’écriture spécifique aux dispositifs numériques d’aujourd’hui.
Curieusement, une des sources d’inspiration pour Mirages & miracles est une expérience de taxidermie. Après avoir découvert des squelettes de pigeons dans une ancienne église, Claire a voulu les restaurer et leur redonner vie. Même si ces squelettes ne sont pas présents dans l’exposition, ils font partie de sa genèse «La mise en vie de choses qui apparaissent comme inertes» nous dit-elle. Depuis, pour catalyser cette idée, c’est plutôt la figure de la pierre qui s’est imposée. Claire et Adrien ont ensuite développé ce concept de «jardinage du vivant numérique» lors d’une résidence à la Villa Médicis, à Rome, sous l’invitation de leur ami, l’artiste français Laurent Derobert. C’est aussi lui qui leur a offert le titre Mirages & miracles, qui serait tiré d’une équation qu’il développe dans le cadre de ses mathématiques existentielles.
Apparemment inorganiques et inertes, les pierres jouent un rôle important dans Mirages & miracles, puisque l’exposition cherche à mettre en relation l’univers numérique, immatériel, et l’univers tangible de la matière. Les médiums numériques, qui ont souvent un caractère insensible et froid, permettent d’animer ces pierres, cailloux et papiers, ouvrant ainsi un dialogue entre le concret et l’imaginaire. Avec ces fenêtres de réalité augmentée, Claire et Adrien tentent de réenchanter les gens de ces choses auxquelles on ne porte plus attention.
Adrien M et Claire B s’efforcent de transposer dans leurs projets ce qu’ils ressentent en observant le parcours d’un banc de poissons, le vol d’un étourneau ou le mouvement d’un champ de blé. À la manière de Miyazaki, ils prônent un animisme où toute chose a une âme qui mérite qu’on s’y attarde. Claire et Adrien cherchent à éveiller une sensation de connexion avec un seul et unique corps, avec un «tout». «C’est vrai que c’est un paradoxe, dire qu’on utilise des outils technologiques [...] a priori complètement inanimés, pour sensibiliser à la notion du vivant.»
« Claire et Adrien tentent de réenchanter les gens de ces choses auxquelles on ne porte plus attention. »
Pour créer ces expériences sensibles, la technologie sert bien le duo d’artistes, mais elle n’est jamais une fin en soi. Claire ne croit pas à un futur technologique parfait. «Je n’ai pas envie de participer à la fabrication d’un futur où on [ferait] croire que la technologie est une réponse à tout. [...] En revanche, c’est clair qu’elle peut servir ponctuellement, dans des expériences symboliques, à créer un moment collectif empreint d’une certaine poésie et d’une certaine douceur.»
Claire et Adrien laissent beaucoup de place au «vide». Leurs images sont graphiquement simples, en noir et blanc, se laissant compléter par l’imaginaire des visiteurs. Ces environnements deviennent notre partenaire de jeu. Nos interactions avec ceux-ci nous donnent l’impression d’en être les réalisateurs. En recadrant, en montant, en descendant, on découvre et apprivoise les scénarios. «Dans cet apprivoisement du point de vue, il y a quelque chose qui nous dépasse [...] probablement quelque chose qu’on n’avait pas prévu, puisque chaque personne va se raconter sa propre histoire.» Travaillant avec le milieu théâtral, Adrien M et Claire B ont un rapport particulier à la dramaturgie, à l’espace et au temps qui ressurgit dans les installations de Mirages & miracles. Chaque œuvre est vécue comme un petit moment de théâtre.
Comment une pierre peut-elle raconter son histoire? Comment lui donner un esprit? En la voyant, par exemple, se pencher pour regarder son reflet dans l’eau. Pour chaque création, Claire et Adrien créent des histoires, «mais [elles sont] comme des tuteurs qui aideraient à faire pousser une plante, et qu’à la fin on vient enlever», le spectateur y verra peut-être complètement autre chose. «Il n’y a pas de vérité, toutes les vérités sont bonnes. [...] Une des signatures de ce projet [est de] créer une forme de confusion, de porosité entre le vrai et le faux.»
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